Nous avons reçu de la part de notre fidèle lectrice « Mijo » à partir des Etats unis, son lieu de résidence , une analyse forte intéressante sur le duel que se livrent, Obama-Romney,dans le cadre du 3éme débat de politique étrangère des USA. Bonne lecture:
À deux semaines de l’élection du 6 novembre, le président Barack
Obama et son adversaire républicain Mitt Romney se sont affrontés
lundi soir dans un troisième et ultime débat, croisant le fer sur un
thème peu abordé lors des débats précédents: la politique
étrangère.
Tentant tous deux de démontrer qu’ils feraient le meilleur commandant
en chef, ils ont multiplié les attaques à l’endroit de leur rival.
Le candidat républicain a accusé le président démocrate d’avoir
manqué de leadership et projeté des États-Unis une image de
faiblesse auprès de la communauté internationale, tandis que ce
dernier dénonçait les prises de positions contradictoires et, selon
lui, souvent obsolètes de son adversaire.
Printemps arabe, guerre en Afghanistan, relations avec Israël,
dossier du nucléaire iranien, conflit en Syrie, situation en Libye:
ce duel a largement été dominé par les enjeux liés au
Moyen-Orient, même si l’économie – et même l’éducation – s’est à
l’occasion frayé un chemin dans les échanges, qui ont duré 90
minutes.
Félicitant le président pour l’élimination du chef d’Al-Qaïda,
Oussama ben Laden, Mitt Romney est rapidement passé à l’attaque pour
critiquer la politique du président au Moyen-Orient.
Plaidant pour une «stratégie complète et solide», il a affirmé
qu’il fallait «amener le monde musulman à rejeter par lui-même
l’extrémisme».
«Ce que nous devons faire à l’égard du Moyen-Orient, c’est
d’exercer un leadership fort et stable, pas un leadership mal avisé
et téméraire qui n’établit pas de priorités, a répliqué son
adversaire. Malheureusement, c’est le genre d’opinions que vous avez
offertes tout au long de cette campagne et ce n’est pas une recette
pour la puissance américaine.»
«Chaque fois que vous avez émis une opinion, vous avez eu tort», a
ajouté Barack Obama, énumérant certaines des positions de l’ancien
gouverneur du Massachusetts. Il a notamment rappelé que celui-ci
avait appuyé la guerre en Irak, en 2003, pour estimer, plus
récemment, qu’il fallait davantage de militaires en Irak, précisant
qu’il avait changé de position quant au calendrier de retrait en
Afghanistan et qu’il s’était opposé à la conclusion d’un traité
avec la Russie.
Plus agressif qu’au cours du premier débat, le président démocrate
a d’ailleurs reproché à son rival d’avoir déjà affirmé que Moscou
constituait l’ennemi numéro un des États-Unis dans le monde.
«Je ne regarderai pas la Russie avec des lunettes roses», s’est
défendu Mitt Romney, ajoutant toutefois qu’il ne voyait Moscou que
comme le principal ennemi sur le plan «géopolitique» et non quant
à la question de la sécurité nationale.
États-Unis, leaders du monde
«L’Amérique doit être forte», a ensuite soutenu Mitt Romney au
cours du segment sur le rôle des États-Unis dans le monde, mettant
de l’avant leur rôle privilégié.
Ramenant l’économie au centre des débats, il a argué que pour
exercer ce leadership, les États-Unis devaient avant tout avoir une
économie forte et créer de l’emploi dans leurs propres frontières.
Mitt Romney a en outre plaidé pour un budget supplémentaire de 2000
milliards de dollars à l’armée sur 10 ans. Déplorant que l’ampleur
de la flotte de la marine américaine n’ait «jamais été aussi
réduite depuis 1917», il a qualifié la situation
d’«inacceptable».
Le président lui a alors servi une réplique cinglante.
«Nous avons ces choses appelées portes-avions sur lesquels se posent
les avions», a-t-il aussi ironisé. «Nous avons ces navires qui vont
sous l’eau; des sous-marins nucléaires.»
Reprenant une rhétorique qu’il a souvent martelée, le candidat
républicain a déclaré que le président avait démontré de la
«faiblesse» dans ses relations avec les autres pays. Il a entre
autres soutenu qu’il avait effectué une «tournée d’excuses » au
début de son mandat, des affirmations aussitôt qualifiées de «
plus grand mensonge» par le principal intéressé.
Selon Mitt Romney, Barack Obama s’est également montré faible devant
l’Iran, affirmant que sous sa présidence, l’Iran s’était rapproché
de l’arme nucléaire. Les sanctions économiques «sévères»
imposées par Washington ont «paralysé» l’économie iranienne, a
répliqué le président, qui a affirmé avoir affiché son influence
en mobilisant la communauté internationale afin qu’elle soutienne
l’imposition de ces sanctions.
Mitt Romney a également argué qu’il fallait isoler Téhéran
diplomatiquement. «Franchement, gouverneur, on a parfois l’impression
que vous pensez que vous feriez les mêmes choses que nous, mais que
comme vous les diriez plus fort, cela ferait une différence», a
rétorqué son rival.
Les relations avec Israël ont également alimenté le débat. «Nous
devons soutenir nos alliés», a souligné M. Romney, pour qui la
relation avec l’État hébreu constitue une priorité diplomatique.
«Je pense que les tensions entre Israël et les États-Unis sont
très regrettables», a-t-il dit, signalant que Barack Obama n’avait
pas visité Israël.
Le président Obama a de son côté qualifié Israël de «véritable
ami», le présentant comme le «meilleur allié» des États-Unis
dans la région. «Je me tiendrai aux côtés d’Israël s’il est
attaqué», a déclaré le président, interrogé par le modérateur
Bob Schieffer, du réseau CBS.
Quant à la Chine, Barack Obama et Mitt Romney ont tous deux insisté
sur l’importance de maintenir des liens diplomatiques et économiques
avec Pékin, tout en précisant que les Chinois devaient se montrer
«responsables» et respecter «les règles».
«La Chine est à la fois un adversaire, mais aussi un partenaire
potentiel au sein de la communauté internationale si elle respecte
les règles», a indiqué le président sortant.
Mitt Romney a poursuivi en disant que « la Chine a un intérêt qui
est très proche» des États-Unis « par certains aspects,
c’est-à-dire qu’ils veulent un monde stable, ils ne veulent pas la
guerre, ils ne veulent pas de protectionnisme, ils ne veulent pas voir
le monde sombrer dans diverses formes de chaos».
«Nous ne devons pas nécessairement être des adversaires, nous
pouvons collaborer avec eux s’ils veulent être responsables», a-t-il
ajouté.
Condamnant l’un et l’autre le régime du président Bachar Al-Assad,
les deux candidats ont par ailleurs affiché leur opposition à toute
implication militaire directe des États-Unis en Syrie.
Si Romney a évoqué le Mali au moins à deux reprises, l’Europe a à
peine été mentionnée et le Canada, relégué aux oubliettes.
Après un échange de plusieurs minutes sur les questions
économiques, le modérateur a dû rappeler les candidats à l’ordre,
soulignant le thème de cette joute oratoire. Il est vrai que la
politique étrangère est une lointaine priorité des Américains, les
sondages révélant que la situation économique du pays vient en
tête de liste.
Un sondage réalisé auprès d’électeurs inscrits pour le réseau CNN
à l’issue du débat indique que 48 % considèrent Barack Obama comme
le gagnant, contre 40% pour Mitt Romney.
Deux candidats au coude-à-coude
Les deux camps reprendront leur campagne mardi matin. Plusieurs
États-clés sont au programme des deux candidats au cours des
prochains jours.
Les plus récents sondages placent les deux adversaires à égalité
à l’échelle nationale dans les intentions de vote. Certaines
enquêtes d’opinion placent même Mitt Romney en tête.
C’est toutefois dans les États-clés, dont l’Ohio, la Floride et la
Virginie, que la lutte se jouera.
Peu importe l’issue du scrutin, ce sera le dernier débat de la
carrière politique de Barack Obama, qui, en vertu de la Constitution,
ne peut pas solliciter un troisième mandat.
Vers une réorientation de la politique étrangère américaine?
Obama envisagerait pour son deuxième mandat une réorientation de la politique étrangère qui risque de braquer la droite américaine et de désorienter celui qui est devenu un de ses principaux alliés, le Canada de Stephen Harper.
Des informations persistantes qui circulent à Washington indiquent qu’Obama a l’intention de nommer John Kerry pour remplacer Hilary Clinton au Secrétariat d’État et Chuck Hagel pour prendre en main le Secrétariat à la défense. Aux yeux des va-t-en-guerre ignares qui dominent le parti républicain, ce sont de dangereux radicaux.
Les deux hommes sont des réalistes conscients des limites de la puissance militaires. Ils savent pour l’avoir vécu qu’il est beaucoup plus facile d’entrer dans une guerre que d’en sortir. Kerry et Hagel, des héros de la guerre du Vietnam, se méfient du recours à la force pour régler les différends. Après avoir soutenu la guerre d’Irak, ils s’y étaient ensuite opposés. Le sénateur Kerry est devenu l’un des principaux opposants au Congrès.
Chuck Hagel hérisse particulièrement la droite. C’est un républicain hors norme, élu sénateur deux fois pour représenter le Nebraska avant de se retirer de la politique. Le président Obama avait même considéré en faire son colistier en 2008. Certains placent l’ancien sénateur dans la lignée de Dwight Eisenhower, le président républicain qui, dans son discours d’adieu, a été le premier à dénoncer le complexe militaro-industriel.
Si effectivement Obama pense à lui pour la Défense, cela impliquera un changement de cap de sa politique étrangère. Le site Foreign Policy affirme qu’il n’est pas favorable à la stratégie actuelle de renforcement de la présence militaire américaine en Asie-Pacifique et de toute tentative d’«endiguement» de la Chine qu’il considère comme néfaste pour les deux pays et pour la planète entière.
En plus de vouloir mener une politique étrangère moins interventionniste, Obama a peut-être une seconde idée derrière la tête s’il a l’intention de placer le républicain Hagel au Pentasgone.
L’administration Obama prépare des réductions importantes du budget militaire et quoi de mieux que d’avoir un secrétaire à la défense républicain pour les appliquer, atténuant ainsi les critiques de l’opposition. Le F-35, si cher aux conservateurs canadiens, serait dans la mire des comptables d’Obama qui voudraient en réduire considérablement la commande. Cela augmenterait d’autant le coût unitaire de l’avion et le rendrait probablement impossible à acquérir par le Canada.
Les pressions sont énormes actuellement sur Obama pour qu’il renonce à nommer Hagel à la défense. Le lobby pro-israélien est mobilisé contre lui. On l’accuse d’antisémitisme parce qu’il a osé dire en 2008 en parlant du Congrès : «La réalité politique est que le lobby juif intimide beaucoup de gens ici» utilisant le terme «lobby juif» au lieu de «lobby pro-israélien». Un écart de langage inadmissible aux États-Unis.
À ces accusations Hagel répond: «Je suis un sénateur américain. Je ne suis pas un sénateur israélien. Mon serment d’office est à la constitution des États-Unis. Pas à un président, pas à un parti, et pas à Israël.»
Le site pacifiste et libertaire Antiwar signale que Hagel était en 2000 l’un des quatre seuls sénateurs américains sur cent qui ont refusé de signer une lettre exprimant leur soutien à Israël au cours de la deuxième Intifada palestinienne. En 2006, il a demandé au président Bush de lancer un appel aux Israéliens pour qu’ils cessent immédiatement leur attaque contre le Liban. Bush et sa secrétaire d’État Condoleezza Rice sont restés silencieux. Et en 2009, Hagel a exhorté le président Obama à ouvrir des négociations directes avec le Hamas. Il est aussi favorable à des pourparlers inconditionnels directs avec l’Iran.
Compte tenu de ses positions, de la puissance et de l’influence de ses ennemis, il me paraît difficile de croire que le président Obama va nommer Chuck Hagel secrétaire à la défense. Sans prédire un virage carrément pacifiste de la politique étrangère américaine, on peut quand même en espérer une moins belliqueuse si Chuck Hagel et John Kerry entrent dans l’administration Bush.
Mais la «république impériale», l’expression est de Raymond Aron, aura toujours comme objectif central de maintenir tant qu’elle le pourra son hégémonie mondiale quels que soient les hommes et les femmes qui la dirigeront. C’est dans la nature même des empires universels.